Compte-rendu de la DécouVerte du 17 août – A la DécouVerte d’Euralille, de la Porte de Valenciennes à Lille Flandres
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A la DécouVerte d’Euralille, de la Porte de Valenciennes à Lille Flandres

C’est la vingt cinquième édition de la traditionnelle Découverte d’Euralille proposée à la mi-août par le groupe EELV de Lille, toujours guidée par Dominique Plancke. En ce samedi 17 août 209, un peu plus de cinquante personnes se rassemblent à 14 h 30 à la sortie du métro Porte de Valenciennes, sous un ciel menaçant.

Petit rappel historique avant de commencer la balade

C’est l’annonce à la fin des années 80 de l’arrivée du TGV à Lille qui entraîne la décision de créer un nouveau quartier, d’abord dénommé le Centre International des Gares. Une société d’économie mixte chargée de l’aménagement de cette ZAC de 90 hectares à cheval sur Lille et La Madeleine, Euralille, est créée, présidée par Pierre Mauroy. Devenue société publique locale, on lui confie ensuite en 2000 la ZAC Euralille 2 pour aménager la zone de 22 hectares qui comprend aujourd’hui le siège du Conseil régional, le Bois Habité et le triangle où s’élève maintenant le Rectorat. En 2006 ses missions s’étendent à la ZAC de la Porte de Valenciennes sur une superficie 16 hectares. Aujourd’hui la SPL est aussi missionnée sur l’aménagement de la friche de la gare St Sauveur. Les trois ZAC s’alignent sur plus de deux kilomètres en un long ruban à l’emplacement des anciennes fortifications de la ville, resté inconstructible jusque 1985.

La visite commence au pied de la tour Clémenceau, témoin isolé des immeubles de logements HLM de la reconstruction après la deuxième guerre mondiale.  6 immeubles au nom évocateur de la première guerre mondiale comptant au total 346 logements sociaux ont été démolis aux abords de cette tour depuis 2005 : les immeubles Somme et Marne, le petit et le grand Verdun et enfin le petit et le grand Clémenceau.

La Porte de Valenciennes était l’une des portes qui donnait accès à la ville dans les remparts construits au 19ème siècle, après l’agrandissement de la ville en 1858. Il est difficile de reconstituer aujourd’hui le paysage urbain tel qu’il était il y a seulement 10 ans : les voiries ont été détournées, avec le raccordement direct du boulevard Painlevé au boulevard de Belfort, le prolongement de la rue de Cambrai, et le nouveau tracé de l’avenue Cordonnier.

De nouveaux immeubles de logements, au nom d’une banalité affligeante (Lux, Métropolis, ArtiCity …), viennent maintenant s’accrocher au boulevard entre l’Onera et la tour Clémenceau. Quand elle sera achevée, en 2022, la ZAC de la Porte de Valenciennes devrait compter 1070 logements, dont 30% de logements sociaux, des bureaux, 7500 mètres carrés de commerces et d’activités, et des équipements publics. Le long du périphérique s’achève la construction d’une salle de sports privée de 2100 mètres carrés, qui formera écran avec le trafic routier de l’autoroute. Les commerces annoncés tardent à s’installer : pour l’instant seul un livreur de pizzas a ouvert ses portes.

En pénétrant au cœur de l’îlot par la rue de Verdun, le groupe est saisi par la densité étouffante et la proximité des immeubles : on pourrait presque se serrer la main d’un balcon à l’autre. Le fameux ruban vert vanté par la SPL Euralille et la municipalité, censé être une promenade reliant les îlots est sur le terrain réduit à la portion congrue, petite allée bordée d’arbres, entre des grilles. Comment vont vieillir ces nouvelles résidences ? Rendez-vous dans trente ans pour voir si elles ne vont pas subir le sort des résidences qu’elles ont remplacé.

De l’autre côté du boulevard de Belfort, derrière les palissades colorées, entre la Place Guy de Dampierre et le nouveau boulevard, on ne peut échapper au chantier de construction de l’imposant immeuble « Tripolis », 15000 mètres carrés de bureaux dont 5000 réservés pour le nouveau siège de Partenord à l’angle de la rue de Cambrai, 50 logements et 220 places de parking. La Ville a aussi prévu ici à proximité du viaduc du métro la construction d’un groupe scolaire de 16 à 18 classes.

L’aménagement de St Sauveur, un projet archaïque et dépassé ?

L’ascension du Belvédère, butte engazonnée et en partie arborée entre le boulevard et la friche de la gare St Sauveur est devenu un rituel dans cette DécouVerte de la mi-août. Juste avant que la pluie commence à tomber, Dominique Plancke rappelle comment un tour de passe-passe a fait passer cet espace de la ZAC de Porte de Valenciennes, où il était présenté comme le « poumon vert » de ce futur quartier, à la ZAC de St Sauveur, où il est devenu une réserve foncière sur lequel la MEL et la Ville veulent maintenant construire une piscine olympique qui doit remplacer celle de Marx Dormoy.

Depuis l’an passé le Collectif La Friche et d’autres associations dont l’ association PARC ont investi ce terrain sur lequel se dressent maintenant un abri « le Gourbi » et plusieurs sculptures en bois de cagettes, dont le désormais célèbre « doigt d’honneur ». Il y a aussi des plantations potagères et un composteur.

L’association a gagné au Tribunal Administratif son recours contre la délibération du conseil communautaire déclarant le projet de piscine d’intérêt général. La MEL a persisté, relancé une enquête complémentaire et repris une nouvelle délibération, qui vient à nouveau d’être attaquée au Tribunal Administratif. En cause notamment la question de la qualité de l’air, de l’impact sur les réserves en eau.

Le projet d’aménagement de St Sauveur sera à l’évidence au cœur de la campagne municipale à Lille en mars prochain.

Le groupe EELV de Lille soutient la démarche de PARC et estime que le projet d’aménagement de cette friche présenté en 2013 est aujourd’hui archaïque et dépassé. S’ils sont favorables à une ville qui n’empiète pas sur les terres agricoles, les écologistes lillois défendent aussi une ville verte, avec plus d’espaces de respiration et de rencontres. Aujourd’hui la densité d’espaces verts par habitant est insuffisante à Lille. Le projet Gehl, qui prévoit 2500 logements sur la friche St Sauveur, va encore faire baisser le ratio de mètres carrés d’espace vert par habitant. Ce n’est pas acceptable et c’est incohérent quand on prétend défendre les engagements de la COP 21 et lutter contre le réchauffement climatique. Contribution du groupe

Dans l’entre-deux guerres la municipalité lilloise avait imaginé un vaste programme d’équipements voués à l’éducation et à l’hygiène sur ce secteur depuis la cité administrative jusqu’au Jardin des plantes : résidences universitaires, Foire Internationale de Lille, institut de mécanique des fluides (devenu l’Onera), école de plein air, observatoire astronomique, jardin des plantes et même l’institut de médecine légale (!). La Maison Stéphane Hessel s’inscrit dans cette histoire. Un regret : l’absence d’anticipation de l’aménageur qui n’a pas prévu de stationnement pour les nombreux autocars qui amènent les groupes à l’Auberge et qui stationnent donc en empiétant sur les bandes cyclables.

Le Bois Habité

Passé le pont qui enjambait les voies ferrées qui desservaient la gare St Sauveur, nous quittons la Zac de la Porte de Valenciennes pour rejoindre la Zac Euralille 2. Rue de Bavay, derrière l’immeuble du CNFPT, le chantier de l’immeuble du Rectorat  est achevé et acommencé à accueillir les agents qui travaillaient à l’inspection académique rue Claude Bernard et rue St Jacques. 800 personnes au total. Comme souvent l’architecture de l’immeuble une fois terminé est beaucoup moins alléchante que ce qui avait été présenté sur les photos des maquettes.

Notre groupe pénètre dans le Bois Habité. Dans ce petit quartier coincé entre le périphérique et l’avenue Hoover, les arbres ont pris de l’ampleur. Devant certaines façades, les branches se font même envahissantes, ce qui pose la question du choix des essences plantées. Ce quartier est plutôt calme, les immeubles de bureaux constituent un écran efficace contre le bruit des voies routières qui l’entourent. La mixité des immeubles et des espaces verts privés, publics et semi-publics semble fonctionner. Les commerces longtemps attendus par les premiers habitants se sont installés en pied d’immeuble côté boulevard Hoover. Mais il n’y a plus d’association d’habitants et guère de vie collective dans ce quartier.

Le Biotope

Passé le siège du Conseil Régional des Hauts de France, qui accueille 1500 agents sur les 9000 qu’emploie l’institution (6000 travaillent au sein des lycées et 800 dans les ports de Boulogne et Calais, les autres sont à Amiens et sur différents sites de la région), nous nous arrêtons devant ce qui a longtemps été porté le nom de « champ libre », dans les documents de la SPL Euralille. On avait parlé pour cet espace d’un jardin, puis d’un grand hôtel, puis de l’extension de Lille Grand Palais, avant qu’il ne soit proposé d’y construire l’Agence Européenne du Médicament. La candidature de Lille n’ayant finalement reçu que les seules voix de la France,  mais le promoteur a réussi à convaincre la MEL de venir y installer ses bureaux, ce qui devrait être fait fin 2019. Avec deux autres groupes politiques, le groupe des élus EELV de la MEL a demandé des comptes sur cette opération. L’immeuble en construction sera insuffisant pour accueillir tous les services de la MEL et un nouvel immeuble est prévu à l’arrière de celui qui s’achève. La question du stationnement pendant la phase transitoire a été réglée par la « privatisation » d’une partie du parking de Lille Grand Palais, ce qui va poser d’autres problèmes. Le télétravail et l’utilisation des alternatives à la voiture individuelle à la MEL restent des objectifs, ce n’est pas encore une réalité ;

Les avatars des liaisons cyclables entre le centre et Fives

La piste cyclable entre l’avenue du Président Hoover et le Pont de Fives est restée ouverte cette année, même si son tracé zig zague en fonction du chantier du Biotope. Sur le Pont de Fives, la piste cyclable est enfin rétablie en allant du centre vers Fives. La MEL qui a hérité de la responsabilité de cette voie en 2017 achève actuellement les très longs travaux de remise en état de ce pont dont la structure était menacée en 2016-2017. La piste cyclable en encorbellement a du être supprimée, mais une nouvelle voie piétons cyclistes a été recréée en supprimant une voie pour les voitures.. Cette (belle) piste relie désormais la rue Pierre Legrand à Fives à la rue Javary et à la rue de Tournai. Cette voie cyclable évite maintenant aux cyclistes de servir de ralentisseur vivant pour les voitures qui empruntent la rue Javary. Petit problème non résolu : en arrivant au bout de la rue Javary, les cyclistes doivent se débrouiller tant bien que mal pour rejoindre la rue de Tournai.

 

Roms : après des expulsions à répétition qui ne font qu’enfoncer des familles dans la précarité, l’amorce d’un changement de politique

Le groupe s’engage sur la gauche dans le passage qui relie le pont de Fives à la rue de la Chaude-Rivière, occupé depuis de nombreuses années par des familles roms roumaines habitant en caravane. Dominique Plancke, qui milite aussi au Collectif Solidarité Roms de Lille Métropole explique que ce bidonville que nous traversons abrite actuellement une grosse vingtaine de familles, dont plusieurs ont été expulsées jusqu’à 6 ou 7 fois d’autres terrains ces dernières années.

Pendant l’été 2018 la Préfecture avait expulsé sans solutions les deux bidonvilles du carrefour Pasteur et de la rue de Bavay à Lille, soit plus de 280 personnes, qui n’avaient trouvé d’autres solutions que d’ouvrir de nouveaux bidonvilles, notamment au bout du Vieux-Lille. Rien n’était résolu, les familles avaient été renvoyées à des situations encore plus précaires. Cette année le Préfet délégué pour l’égalité des chances a décidé de changer de politique et d’appliquer l’instruction ministérielle du 28 janvier 2018. Trois bidonvilles ont été résorbés dans le Vieux-Lille en juillet après que des solutions de logement ou d’hébergement pérenne, avec accompagnement social ont été proposées aux familles qui y habitaient. Mais il reste plus de 600 personnes en bidonville dans la métropole, qui sont pour la plupart ici depuis 5 à 10 ans et l’approche des élections municipales rend les maires encore moins courageux.

 

Passant sous la voie ferrées, nous arrivons rue de la Chaude Rivière et nous découvrons face à nous l’ensemble EKLA . Nous sommes aux limites de Fives, au delà du périphérique, mais toujours dans la première Zac d’Euralille. Cette nouvelle réalisation, à l’emplacement de l’ancien château de Fives compte 15.000m² de bureaux dans l’immeuble le plus bas en bordure du périphérique, et de 127 logements dans une tour de 17 étages et 53,§0 mètres de haut avec des commerces prévus en pied d’immeuble. On verra à l’avenir comment la greffe prendra avec le quartier de Fives situé à ses pieds.

Rue de la Chaude Rivière nous longeons le chantier de l’immeuble Shake.

Nous accédons par l’allée du fort Sainte Agnès à un escalier qui nous permet de rejoindre l’extension du Parc des Dondaines (qui fut un bidonville jusqu’au début des années 70). Le Parc s’est étendu ici en 2017 en absorbant le terrain situé au dessus de l’entonnement du TGV Une promenade agréable, malgré la proximité du périphérique, surplombe la ferme Marcel Dhénin. Deux grandes ruches à l’architecture contemporaine ont été installées là en 2018. Le rucher municipal qui était à la Ferme est parti depuis deux ans au Jardin des Plantes à Moulins.

Euralille 3000

Un projet a été engagé par la SPL Euralille pour « revisiter » la première ZAC d’Euralille entre les gares. Pour le densifier du côté « Ilot St Maurice », rue du Luxembourg et pour tenter de le rendre plus vivant en dehors des horaires de travail et des arrivées de TGV. L’accès à la gare par le boulevard de Turin devrait être revu avec un parvis. Pour l’instant l’accueil des passagers des bus « macron » se fait toujours sur ce boulevard dans des conditions très « low-cost » et en provoquant des embouteillages inextricables aux heures de pointe.

Swam et Mama Shelter

Ce projet dénommé « Euralille 3000 » a démarré avec l’opération Swam (grotesque déformation anglo-saxonne à des fins commerciales de Souham, maréchal dont l’ancienne caserne située à côté porte le nom). Cet immeuble qui s’achève au bord du Parc Matisse accueillera des bureaux, mais aussi de nouveaux commerces (en principe pas les mêmes qu’en face), et des restaurants, dont un restaurant gastronomique et panoramique. Le nouvel immeuble sera doté d’une promenade reprenant le tracé des anciens remparts du bastion situé devant la Porte de Roubaix, témoin de l’enceinte espagnole du 17ème siècle. L’architecte a du s’adapter aux éléments archéologiques de l’ancien Faubourg des Reignaux découverts en 2016 sur le site. Notre groupe pénètre dans le chantier par la rue St Hubert à l’intérieur de l’îlot au pied de l’hôtel Mama Shelter, qui ouvre ses portes le 20 août mais dont l’architecture avec sa construction métallique sur pilotis n’est pas très accueillante.

La SPL Euralille a piloté l’opération Euraflandres autour de la gare Lille Flandres. 13 millions d’euros ont été dépensés ici en un an entre la rue du Molinel et le viaduc le Corbusier, dont 9 pour refaire les sols. Mais le pavage retenu vieillit déjà très mal, absorbant toutes les tâches de graisse. La fontaine devant la gare a été supprimée et doit être remplacée en septembre par une sculpture contemporaine monumentale. Le tout est très minéral, aucune arbre supplémentaire n’a été planté, et cela renforce l’îlot de chaleur déjà existant. L’atmosphère est étouffante cet été sous le soleil. Et contrairement à ce qui avait été annoncé, les taxis ont fait leur retour sur la Place des Buisses au milieu des passants.

La balade s’achève à 17 h 00 à l’angle de la rue des Canonniers.

Prochaine DécouVerte le samedi 19 octobre 2019 à Hellemmes