Fives-Hellemmes : Des premiers logements sociaux aux lofts de la friche Mossley
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Tous les deux mois, les DécouVertes proposent de déambuler dans un quartier avec un regard écolo. A la suite de Dominique Plancke, fin connaisseur du territoire, on repère des traces anciennes ou récentes d’aménagements publics ou privés (bâtiments, jardins, rues et ruelles), on discute avec les gens rencontrés au fil de la balade et l’on comprend mieux les réalités des habitants d’hier et d’aujourd’hui. De quoi donner envie de participer à la construction du quartier de demain ?

Le 14 février 2015, nous avons parcouru les rues de Fives et d’Hellemmes.

Métro Marbrerie, 14h, un samedi après-midi. Une trentaine d’habitants, de curieux, de sympathisants et quelques élus empruntent la rue de Pologne à la suite de Dominique Plancke, sous une petite pluie fine.

1 groupe début

« Fives et Hellemmes ont une histoire commune, commence le guide. Ces bourgs ruraux se trouvaient sur la route des envahisseurs de tous poils, ils ont donc été détruits à chaque conflit, depuis Bouvines en 1214 jusqu’aux bombardements de la deuxième guerre mondiale, en passant par la prise de Lille par Louis XIV en 1667. » Le XIXème siècle a vu la population croître très rapidement en même temps que l’industrialisation se développait : arrivée du chemin de fer et construction de matériel ferroviaire à Fives Cail, installation d’usines textile, de brasseries…. La disparition de ces industries à la fin du XXème a laissé des friches immenses qui sont aujourd’hui en cours de transformation.

On passe près de 4 maisons particulières un peu en retrait de la rue : « Des maisons Castor, lance un marcheur. Elles ont été auto-construites à l’époque par des habitants dans une démarche de coopération. »

Jardin de poche et concertation

2 jardin de poche

Arrêt au croisement de la rue de Pologne et de Madagascar sur un « jardin de poche ». Celui-ci a été aménagé en 2014, suite à la consultation des habitants par le Conseil lillois de la Jeunesse. Nous sommes accueillis par des membres du collectif BW Friches. Né en juillet 2013, ce collectif composé d’habitants du quartier de Fives mène une réflexion sur le devenir du site dit « Brunel » (BW, c’est le numéro de la parcelle Brunel, ancien site industriel de 6500 m2 entouré des rues de Pologne, Désaugiers, du Bois d’Annapes et de Madagascar), et qui souhaite plus généralement agir sur le quartier. « Les habitants ont voulu donner au jardin une vocation ludique pour les enfants, et de convivialité pour permettre aux habitants du quartier de se rencontrer. L’été, on pourra organiser des projections de court-métrages, faire de la musique, du théâtre. »

Un autre membre du collectif évoque l’organisation prochaine des « fenêtres qui parlent » sur le quartier. Des artistes vont réaliser sur les murs du quartier des œuvres à partir des idées farfelues récoltées auprès des habitants. « Pourquoi pas une aire pour les pigeons voyageurs, ou une aire d’atterrissage pour les montgolfières ? » L’idée est d’habiter le quartier, pas seulement les espaces privés, mais aussi les espaces publics. Le collectif a donc également fait des propositions pour l’aménagement de la friche Brunel. A la place d’une usine qui fabriquait des produits nettoyants et des insecticides, des logements devraient voir le jour. « On milite pour des solutions alternatives au tout-logement. On pourrait prévoir aussi des jardins ouverts, un local pour se rencontrer… » Le militant regrette le manque de concertation de la ville de Lille et du Conseil de quartier. Une discussion impromptue s’engage : un habitant aimerait avoir plus d’informations sur la dépollution du site. Une conseillère de quartier évoque les réunions déjà mises en place. La rencontre est intéressante, mais manifestement la concertation officielle « à la lilloise » a encore des marges de progression.

Première intervention de l’Etat en faveur du logement social

Fin de la pause. Le groupe repart, prend à gauche dans la rue de Madagascar. Les maisons de la rue témoignent de la première intervention de l’Etat en faveur du logement social, suite à la loi Loucheur (1928). Ces maisons ont été réalisées après la première guerre mondiale pour l’Union des Mutilés du Nord. Elles ont toute une façade étroite (5 mètres) mais sont profondes, avec un jardin à l’arrière. Et pour éviter l’effet miroir, celles qui se font face n’ont pas la même forme d’encadrement de fenêtre (arrondi pour les unes, carrées pour les autres).

4 maison loi loucheur

« Pratique ! Le nouveau macadam posé permet à la pluie d’évacuer plus facilement les crottes de chien », note un quidam !

« N’y a-t-il pas des métaux lourds dans le sol ? » demande une marcheuse « Si, sans doute, note Dominique Plancke. Mais dans ce quartier comme à Lille Sud, il est souvent inutile de faire des tests, car l’état du sol varie d’un endroit à l’autre. Beaucoup de terrains ont été remblayés lors de la construction des maisons avec de la terre issue d’usines différentes, et il n’y a donc pas de pollution homogène.»

Reprise de la marche, sous un ciel plus clément. On passe près de la fameuse friche Brunel, qui occupe toute le coeur de l’ îlot entre les rues de Madagascar, de Pologne et Desaugiers. Le propriétaire du 51 rue de Madagascar (lui-même co-fondateur de l’association des Raisins de Fives) nous explique que dans son jardin se trouvent les plus anciens pieds de vigne du quartier !

Mossley et la médiathèque en friche ?

Le groupe longe rapidement la rue Etienne Dolet, qui marque la frontière entre Fives et Hellemmes. On emprunte le sentier du Curé, transformé en rue depuis l’an passé et on arrive sur une friche de plus de 3 hectares, l’ancienne usine Mossley, immenses bâtiments en cours de transformation.

5 rue du curé mossley

Impression curieuse. Des vestiges de l’ancienne usine perdurent tandis que des logements sont déjà habités. « Dans le temps, l’usine s’appelait Delbart Mallet, puis ce fut Mossley. En 1982, 350 personnes travaillaient encore sur le site. En 2001, lorsque l’usine a fermé, il y a eu des combats douloureux et un film « 300 jours de colère » de Marcel Trillat, a été consacré à cette lutte. » Rachetée par un opérateur privé, la zone, renommée Parc de la filature, a été décrétée zone d’aménagement concertée par les pouvoirs publics. Ici, des lofts sont déjà habités, mais aussi des logements sociaux et une crèche et on attend une résidence pour personnes âgées. Le projet de médiathèque sans cesse retardé semble avoir du mal à sortir, faute de financements. Derrière la remarquable porte d’entrée de la filature qui est restée telle quelle, des équipements publics, un cabinet médical et des commerces devraient s’installer. Mais l’aménagement de la ZAC prend du retard et le tout donne une impression d’inachevé.

6 mossley pan de mur

On repart vers la rue Fénelon, puis la rue des Travailleurs, pour atteindre la place Dombrowski. Dans ce quartier des Sarts, aussi nommé la Chapelle d’Elocques, ont été construits plus de 300 logements par l’usine de Fives en 1923 pour ses salariés. Repris par Lille Métropole Habitat, bailleur social, et malgré une rénovation dans les années 80, ceux-ci ont besoin d’une nouvelle remise en état. Dans ce secteur qui vient d’être classé en « Politique de la Ville » on trouve de nombreuses familles monoparentales et des personnes très âgées, aux revenus très limités. Le vote FN est très important dans ce secteur. Un local pour les jeunes récemment construit est fermé en ce samedi après midi.

14 marche rapide

Jardins familiaux et voyettes

On reprend la rue Saint Eloi vers la verdure des jardins familiaux. « La rue traversante a été fermée et transformée en chemin piéton. On y a installé des jeux et des stations de vélos VLille. Mais au sol on note des traces de voitures brûlées », constate notre guide.

On prend l’allée des Tilleuls, au milieu des jardins familiaux. 330 parcelles de jardins ont été créées à l’origine pour les ouvriers habitant les logements autour. « Une tradition du Nord initiée par l’Abbé Lemire pour éviter qu’ils n’aillent au bistrot ». « Ils ont fait la même chose en Angleterre », note un marcheur.

17 allée des tilleuls

De fait, les jardins sont bien entretenus, mais le bailleur, LMH, n’a pas l’habitude de gérer ceux-ci, ce que nous confirme l’un des jardiniers en nous expliquant les difficultés qu’il a eu pour obtenir un jardin, notamment parce que LMH ne connaissait pas l’identité de chaque jardinier . « Des locataires vieillissants les ont passés à d’autres, et aujourd’hui, un inventaire est réalisé en partenariat avec la Fédération des jardins familiaux et les Jardins dans la ville. » Cette dernière association exploite une partie des jardins et vend les légumes sous forme de paniers à des habitants. Une démarche de concertation va être menée avec les habitants pour rendre plus accessibles ces jardins.

20 maisons derrière jardins

On repart, on passe devant un bâtiment qui a accueilli les bains-douches, on s’arrête devant une « voyette ». « Il y avait pas mal de sentiers qui traversaient les îlots pour passer d’un quartier à l’autre ». Celui-ci n’est pas de nom. « On pourrait l’appeler le sentier de la Comtesse », note un marcheur, « du nom de la comtesse Mimerel qui possédait les terrains autour ».

Arrivée à la mairie de quartier sous les rayons du soleil. Devant nous, l’espace des Acacias qui accueille les conseils communaux, des concerts et événements associatifs et une halte-garderie. « L’immeuble a été construit au départ pour y tenir un marché couvert dans les années 90, sous l’impulsion de la Chambre de commerce. Malheureusement, il a tenu à peine 6 mois. Les commerçants n’y ont pas trouvé leur bonheur. La municipalité a du en catastrophe donner un nouvel usage au bâtiment» Le marché d’Hellemmes, en plein air, a plus de succès.

Dernière question avant de se séparer au métro d’Hellemmes : le joli petit bâtiment en briques à l’écart, qui ne paie pas de mine, qu’est ce que c’est ? « C’est un petit local qui sert de médiathèque temporaire en attendant celle qui est prévue sur la friche Mossley. Espérons qu’elle voie le jour ! »

A la prochaine balade ?

Le collectif BW friches :
http://www.bw-friches.fr/

les quartiers en politique de la ville à Hellemmes :
http://www.hellemmes.fr/files/content/sites/hellemmes/files/Votre%20mairie/actualit%C3%A9s/priorites%20de%20la%20commune.pdf

la loi loucheur dans l’agglo de Lille (Diana Palazova-Lebleu) :
http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=RDN_374_0173

La filature Mossley et le parc de la filature :
http://ecen.free.fr/mossley.pdf

Les jardins de la Chapelle d’Elocques :
http://www.lmh.fr/accueil-general/blogs-agences/fives-hellemmes-st-maurice/actualites/545-les-jardins-de-la-chapelle-d-elocques