DécouVerte autour de la couronne verte, sur les anciennes fortifications entre Lille et la Madeleine.
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33 participants sont au rendez-vous devant la station V’Lille de Lille Europe pour cette DécouVerte du samedi 23 décembre 2017. Le temps est gris mais relativement sec.

La DécouVerte du jour, loin de la frénésie commerciale du centre ville à deux jours de Noël, va nous permettre de cheminer autour de la couronne verte, sur les anciennes fortifications entre Lille et la Madeleine, aujourd’hui menacée de « grignotages » successifs, par Euralille 3000, par le projet d’urbanisation du Tir à l’Arc et du Sililam à La Madeleine et par la construction du nouveau Palais de Justice sur la Plaine Winston Churchill dans le Vieux-Lille.

Après être passés devant la station « Leeds » du réseau de mesure de la pollution de l’air du réseau ATMO, nous marquons un premier arrêt le long des grilles du Parc Matisse, face à l’immeuble de la MEL. Stéphane Baly, conseiller municipal et communautaire EELV, qui siège au CA de l’Agence d’Urbanisme et de la SPL Euralille, évoque le projet Euralille 3000 de densification autour de Lille Europe, avec à la fois la volonté de faciliter les circulation des piétons et la desserte de la gare,  ce qui ne serait pas un luxe, mais aussi de construire dans la prolongement des immeubles qui abritent la chambre régionale de commerce et d’industrie et l’agence ferroviaire européenne. Le risque est de rogner sur le Parc Matisse et de diminuer encore la superficie d’espaces verts dans une ville qui est déjà pauvre en ce domaine.

Un bidonville au coeur d’Euralille

Au carrefour Pasteur nous nous arrêtons  devant l’entrée du bidonville où habitent dans des caravanes déglinguées et des cabanes de bric et de broc environ 150 personnes Roms venues de Roumanie. Certaines sont installées là depuis plusieurs années, d’autres sont arrivées plus récemment, expulsées du bidonville de Fives le 20 avril, ou de celui du Pont Royal le 22 août ou encore du Vieux-Lille le 3 novembre. Emanuel Dobrea qui travaille à Lomme et habite maintenant avec sa femme et son bébé un appartement à St-Maurice Pellevoisin vient nous saluer. Ses parents et deux de ses frères et leurs familles habitent eux encore ce bidonville.

 

Nous croisons trois enfants qui partent chercher de l’eau avec des bidons à la bouche d’incendie du Jardin des Géants. Ce bidonville est dépourvu d’eau courante, il est équipé de toilettes de fortune, mais les containers à ordures y sont ramassés chaque semaine. Certains adultes travaillent, d’autres récupèrent la ferraille, certains autres font la manche. La quasi-totalité des enfants sont scolarisés. Le terrain appartient maintenant à la MEL depuis que les routes du département lui ont été transférées.

De l’autre côté du Grand Boulevard se dressent les immeubles du Romarin, quartier madeleinois de la ZAC d’Euralille.  20 hectares au total, sur lesquels on trouve aujourd’hui 36 000 m² de logements et résidences, 65 000 m² de bureaux, 2 000 m² de commerces et activités, 3 500 m² d’hôtel (Campanile), 3 000 m² d’équipements et 3,75 ha d’espaces verts. Cette surface d’espaces verts est essentiellement constituée par le Jardin des Géants, au pied de l’immeuble de la MEL.

La Madeleine, la ville la plus dense de la métropole, veut encore construire

La Madeleine compte 22248 habitants, c’est la commune la plus dense de la métropole (hors Lannoy), avec 7887 habitants au km carré.

La commune est issue de plusieurs hameaux cités dès le 13 ème siècle. L’axe principal déjà à l’époque, c’est la rue de Lille,  l’actuelle rue du Général de Gaulle, route qui mène de Lille à Menin et à la Flandre. Au cours des siècles, les assiégeants de Lille soumettent La Madeleine à de nombreuses destructions, en particulier lors de la prise de Lille sous Louis XIV puis sous la Révolution.

Autour de 1800, La Madeleine compte environ 600 habitants. Dans les premières décennies du 19 ème siècle, quelques industriels s’installent autour de  la rue de Lille, mais aussi dans le quartier de Berkem, proche de la Deûle (sucrerie, fabrique de céruse). Le véritable essor économique date du milieu du 19 ème siècle siècle, avec la reprise par Kuhlmann en 1847 d’une petite entreprise à proximité du canal, à laquelle il va donner une ampleur considérable, et qui deviendra Rhodia.  Mais c’est l’arrivée du chemin de fer en 1848, sur la ligne de Lille à Calais, qui facilite ce développement. D’abord installée entre les remparts de Lille et le sud de La Madeleine (le cadastre en porte encore quelques traces), la voir sera déplacée en 1875 au nord à partir du triangle des Rouges-Barres, sur son site actuel.

Une main-d’œuvre venue pour l’essentiel de la Flandre belge voisine alimente les grandes usines qui s’installent surtout à Berkem, comme Agache en 1874 puis Saint-Léger. La ville compte autour de 7000 personnes en 1875, avec les quartiers ouvriers de la rue Jeanne Maillotte et de Berkem, les plus proches de Lille.

La ville s’étend, s’équipe (eau potable, gaz, et électricité) Une première ligne de tramway est construite sur la rue de Lille, même si elle ne subsistera qu’entre entre 1905 et 1935. Après Berkem, c’est le quartier de la Gare qui voit s’installer de nouvelles activités.

C’est ensuite l’ouverture en 1909 du Grand Boulevard entre Lille, Roubaix et Tourcoing qui modifie profondément la ville, avec une urbanisation dense des terrains situés de part et d’autre de ce nouvel axe, qui étaient restés jusque là agricoles. Sur ce boulevard, s’installe aussi un deuxième tramway, le Mongy que nous connaissons encore aujourd’hui.

Après la seconde guerre mondiale, son cortège de destructions, et la sinistre présence dans la commune de la Gestapo, rue François de Baets, la vie reprend petit à petit, avec de nouvelles transformations et avec la construction de la «Nouvelle Madeleine » qui voit disparaître des ilots de maisons anciennes, et la construction de la piscine, de plusieurs équipements sportifs, d’écoles avec notamment le collège Flandres et le lycée technique Valentine-Labbée. Les vastes usines qui avaient permis le développement de la ville disparaissent une à une entre 1970 et 1985.

Notre groupe chemine le long du boulevard de Coubertin. On ne sait pas très bien si on est là sur un trottoir ou une piste cyclable, la largeur va du simple au double, mais la vitesse et le bruit des voitures qui nous dépassent sont impressionnants. Nous prenons à droite dès que possible avant de nous arrêter à l’angle de la rue Paul Doumer devant ce que l’on appelle encore le terrain du Tir à l’Arc, une parcelle de 18.000 mètres carrés propriété de la Ville de La Madeleine.

Une élue écolo tétanisée par un nouveau projet « tout béton »

Laurence Brassart, conseillère municipale EELV d’opposition à La Madeleine nous explique que lors de sa dernière réunion, le 20 décembre, le Conseil Municipal de La Madeleine a retenu, suite à un appel à projets, la proposition d’un promoteur, le groupement Bouygues Immobilier – Projectim, avec les bailleurs sociaux Logis Métropole et Notre Logis.

Le long du boulevard de Coubertin, le projet prévoit des bureaux (18 050 m2) et des commerces (sur 840 m2), avec deux bâtiments de 4 à 6 étages (jusqu’à 24 m de haut). Du côté des rues Paul-Doumer et des garages des maisons de la rue du Chaufour, 154 appartements (dont 30 % de logements sociaux) dans des immeubles allant de 2 à 5 étages. Une place est prévue au carrefour. Entre les nouveaux immeubles et les garages actuels, le projet propose un « parc central » , nom prétentieux pour qualifier 4600 m2 d’espaces verts, avec une serre pour l’agriculture urbaine ! Il est prévu de créer 697 places de stationnement privées et 62 autres accessibles aux riverains. Le promoteur va acheter le terrain 20 millions d’euros à la Ville.

Lors du Conseil Municipal Laurence Brassart « tétanisée » par ce qu’elle a découvert en séance s’est déclarée totalement hostile à ce projet, pour dire stop à la ville bétonnée.  Avec Stéphane Baly, elle avait au contraire il y a quelques semaines proposé que la MEL réfléchisse à un grand arc vert du carrefour Pasteur aux rives de la Deûle, incluant ce site et celui du Sililam.

La plaine sportive du Sililam nouvel enjeu métropolitain

Après avoir cheminé sur un étroit trottoir de 1,10 mètre, nous traversons la rue du Général de Gaulle pour rejoindre la rue Jeanne Maillotte et rejoindre le Parc Yvonne Abbas en traversant la résidence Aurélia, l’un des symboles de la « Nouvelle Madeleine » des années 1970. Yvonne Abbas est une résistante française, née le 29 avril 1922 à Pérenchies, et morte le 13 décembre 2014 à 92 ans. Elle fut déportée dans le camp de concentration de Ravensbrück.

Au fond du Parc Abbas, s’étend devant nous la Plaine de Sports du Sililam (Syndicat Intercommunal Lille La Madeleine) créé en 1972 pour gérer ce vaste espace de 6 hectares, sur des terrains propriété de la ville de Lille, mais sur le territoire de La Madeleine. D’un commun accord entre les deux communes ce syndicat sera dissous le 31 décembre 2017 et l’avenir du terrain n’est pas connu aujourd’hui.

La plaine s’étend depuis le Parc Abbas jusqu’au Carrefour Market de la rue du Pré Catelan. L’enjeu de son avenir est considérable nous explique Stéphane Baly. Sur une carte on voit bien l’intérêt de réfléchir sur l’ensemble de la couronne verte de part et d’autre du boulevard Schuman actuel. Celui-ci devrait devenir un boulevard urbain et perdre son caractère autoroutier.  Malheureusement on semble s’acheminer vers de petits arrangements entre maires pour rendre constructibles le secteur. Les 20 millions d’€ offerts pour le seul site du Tir à l’Arc vont aiguiser les appétits.

L’accès piéton qui nous permet de rejoindre le Vieux-Lille depuis la rue Jeanne Maillotte est périlleux : pas de trottoir, nous cheminons sur un talus herbeux détrempé, et la traversée du Carrefour Coubertin se fait via l’itinéraire cyclable lui même peu pratique et peu sécurisé. Manifestement les modes doux ne sont pas une préoccupation madeleinoise. On touche ici du doigt l’absence de volonté politique dans la plupart des communes pour mettre en place le PDU voté par la MEL.

 

Le choix de la Plaine Winston Churchill pour le nouveau Palais de Justice : une erreur pour les Verts

Nous arrivons sur le site retenu par le Ministère de la Justice pour édifier un nouveau Palais de Justice Palais de Justice pour remplacer celui de l’avenue du Peuple Belge. Le projet prévoit 21 000 mètres carrés de surface de plancher. Lors de l’enquête publique, EELV a eu l’occasion d’expliquer pourquoi le site retenu était une erreur, sur le plan de l’urbanisme, du patrimoine, de la mobilité et de la préservation de la biodiversité.

Renaissance du Lille Ancien et Axe Culture ont aussi fait part de leur opposition à ce projet.

Pour EELV le choix de ce site constitue un premier « grignotage » d’une zone naturelle à vocation intercommunale, qui va du parc des Dondaines à la Citadelle et aux rives de la Deûle, via le Parc Matisse, la Plaine Winston Churchill, la zone actuelle du Sililam, le site de la Poterne et du Jardin écologique. Avec les urbanisations telles que prévues sur le site de St Sauveur et sur le parc Matisse, ce projet de tribunal relève malheureusement du même manque de prise en compte des enjeux de climat et de biodiversité à l’échelon local. Ce projet va encore diminuer la surface d’espaces verts par habitant à Lille. La prolongation prévue de la rue des Bateliers en ligne droite jusqu’au carrefour de Coubertin va entraîner la disparition d’un hectare de surface boisée le long de l’actuelle rue Gandhi.

Nous prenons celle-ci pour rejoindre la Porte de Gand. En contrebas, dans le jardin des fossés de la Porte, un petit bidonville abrite depuis 6 ans une grosse vingtaine de personnes Roms roumaines.

Du faubourg de Courtrai au faubourg des Reignaux

La Porte de Gand, bâtie en 1625 et restaurée en 2003 est avec la Porte de Roubaix ce qu’il reste de l’enceinte espagnole de la Ville. A l’époque la ville s’agrandit sur les Faubourg des Reignaux et Faubourg de Courtrai. Christiane Lesage y a consacré un article très documenté dans la revue du Nord en 1997. Les deux portes ont ensuite été percées au 19 ème siècle par des passages de chaque côté du passage d’origine pour y faire passer le tramway.

La porte franchie, nous arrivons sur la Place de Gand dont la rénovation s’achève avec un élargissement des trottoirs du côté des commerces.

Par la rue de Courtrai, nous rejoignons la Place aux Bleuets. Le rang des Arbalétriers, du 2 au 14 de cette place a été construit en 1640. Etienne Poncelet, architecte des monuments historiques la décrit comme « un manifeste de bichromie en briques et en pierres. Les arcs en anse de panier alternant la brique et la pierre sont marqués par des décors en pointe de diamant. Les tympans sont incrustés de sculptures, comme à la maison de Gilles Le Boé Place Louise de Bettignies ».

Rue des Urbanistes, nous longeons d’un côté le Musée des Canonniers et de l’autre le lycée Pasteur. Celui-ci avait été appelé lors de sa construction la Cité Nord, et faisait le pendant de la Cité Sud (Lycées Faidherbe et Gaston Berger). L’INPI a pris la place de l’ancienne école des Beaux Arts.

Juste après avoir traversé le boulevard Carnot et avant de rejoindre le Parc Matisse, nous apercevons sur le sol une petite plaque carrée en fonte avec fleur de lys et pattes de hérisson, qui indique que nous sommes sur la promenade des remparts. En 2008, la Ville de Lille a édité un topo-guide de cette Promenade des remparts, héritage de la Promenade du Préfet, qui permet de parcourir un circuit de 16 km autour de la ville à pied ou à vélo.

Des ruches contemporaines

Lise Daleux, adjointe au Maire en charge de la nature en ville, présente les 4 ruches issues d’un projet lancé en octobre 2015 par un appel à candidatures pour la conception de quatre ruches de la MAV (devenue WAAO – Centre d’architecture et d’urbanisme), en collaboration avec la ferme pédagogique Marcel-Dhénin. Imaginées par Camille Garzuel et Malvina Bali, deux jeunes architectes, et le rucher école de Lille, ces ruches installées à l’automne 2016 sortent de l’ordinaire pour attirer l’œil des passants en plus d’être adaptées aux conditions de vie des abeilles et résistantes au vandalisme.

Le jardin de l’Ile Derborence intrigue plusieurs membres de notre groupe : imaginé comme l’ensemble du Parc Matisse par le paysagiste Gilles Clément avec deux paysagistes locaux, cet espace de 2500 m² (dont le nom fait référence à une forêt primaire suisse) se situe à plus de sept mètres de haut, avec un socle en béton dont la forme reprend celle d’une petite île de l’hémisphère sud se trouvant aux antipodes de Lille. Cet endroit inaccessible, a été conçu comme un laboratoire donnant une idée de l’évolution de la forêt sur plusieurs décennies sans l’intervention directe de l’homme. Les brassages des espèces végétales sont donc laissés libres et peuvent être observés de temps en temps par les scientifiques qui sont les seuls à avoir accès à cette plateforme. Les végétaux qu’on y a initialement plantés sont tous issus de l’hémisphère nord et ont la particularité d’offrir de belles feuillaisons colorées à l’automne.

Le projet Swam en construction se composera de trois bâtiments sur une surface de près de 12 000 m². Organisé autour d’une promenade haute reconstituant les anciennes fortifications de la Porte de Roubaix, il abritera des commerces et restaurants, des bureaux, un restaurant panoramique , et un hôtel de 112 chambres avec salles de réunion et bars. Le projet initial a été modifié pour prendre en compte les découvertes archéologiques faites l’an passé sur le site avec la fouille de l’ancien Faubourg des Reigneaux. Lise Daleux explique qu’une promenade haute devra permettre de joindre le boulevard Carnot à l’avenue Le Corbusier en passant par le haut de la Porte de Roubaix. La Place St Hubert doit aussi enfin devenir une Place plantée.

Notre découVerte s’achève sur la Place François Mitterrand, avec un peu de retard alors que la nuit tombe.

Prochaine DécouVerte prévue le samedi 10 février à 14 h 30.

(Photos Philippe Lagatie, Marc Santré et Dominique Plancke)