Restauration de la Citadelle, … comment concilier l’inconciliable ?
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Un accord judicieux entre nature et patrimoine se consolide à la Citadelle. C’est inédit !

En effet, dans un domaine où prime la mise en valeur du bâti, dans un souci de restitution historique, on expérimente aujourd’hui à la Citadelle de Lille de nouvelles techniques de restauration. En témoignent les prochains ouvrages sur les fortifications, dont une première tranche vient de débuter, et qui se terminera à l’été 2011.

Pour présenter cette démarche originale, Dominique Plancke et Eric Quiquet tenaient le 8 juin dernier une conférence de presse à l’occasion du lancement des travaux de restauration de la Contre-garde du Roy [La Contre-garde du Roy fut construite vers 1750, soit près de 80 ans après la Citadelle.]], partie de l’enceinte extérieure à la fois la plus dégradée, et la plus proche de la ville. Les remparts de cette enceinte extérieure n’ont fait l’objet d’aucune restauration depuis 1830. [1] C’est dire combien la ville s’attaque à un chantier de longue haleine.

Une vision élargie et complémentaire

La démarche, inédite donc, intègre pleinement les problématiques écologiques au travail de restauration. Elle fait écho à la [gestion écologique du Parc de la Citadelle. Et la méthode fait évoluer la perception même du patrimoine historique. Au XIXe siècle, le Romantisme avait posé une question : « Faut-il restaurer les ruines ? » Aujourd’hui cette question revient, mais posée par une approche scientifique et écologique.

Cette nouvelle logique est le fruit de 7 années de réflexion commune, entre Etienne Poncelet, architecte en chef des monuments historiques conduisant l’équipe retenue, les services de la ville de Lille, et deux élus Verts : Dominique Plancke (en charge du patrimoine) et Eric Quiquet (adjoint en charge des espaces verts).

Restauration de la citadelle

Le projet de restauration de la Contre-garde comporte 3 objectifs combinés :

  • une conservation du patrimoine durable
  • un développement écologique cohérent
  • un parcours pédagogique

La direction des travaux a donc été confiée à une équipe pluridisciplinaire, conduite par Etienne Poncelet: architectes, paysagistes, écologues… [Suite à un appel d’offre, les sociétés sélectionnées autour d’Etienne Poncelet sont l’Agence Paysages (Lille) pour les paysagistes et Le Chêne Vert comme bureau d’étude en écologie (Comines).]] des corps de métiers autrefois peu habitués à se fréquenter ! Les cahiers des charges ont donc inclus des interventions d’écologues aux différents stades : depuis l’esquisse du projet jusque dans l’accompagnement des entreprises en charge des travaux.
Il est à noter aussi que le solide service municipal des parcs et jardins compte en son sein un ingénieur écologue. C’est suffisamment rare pour le signaler.

Histoire et Nature entremêlées

Concrètement, comment ces nouvelles pratiques se traduisent-elles ?

Par exemple, des choix distincts se sont opérés pour la rénovation des deux retranchements [2] de la Contre-garde du Roy.

Le retranchement gauche sera restauré en le préservant comme un îlot sauvage, laissant libre cours à la nature.

Pour le retranchement droit, à l’inverse, une reconstitution à l’identique mettra en évidence la dimension historique, technique de l’ouvrage, avec la volonté de mieux faire comprendre la fonction première de la Citadelle, et sa tactique défensive.

Dans cette vision pédagogique, il a aussi été décidé de laisser apparente une partie de mur démantelé sur un angle de la Contre-garde, qui permet de visualiser le type de construction des fortifications (construites en pierre ! …les briques servant en fait d’enveloppe). Ce choix, tout comme celui de préserver les plantes spécifiques aux murailles, suppose évidemment d’être innovant en terme de rénovation des maçonneries.

A cet endroit précis, on a découvert le passage du canal Vauban, lors des fouilles archéologiques préalables.

Enfin, le traitement des talus est encore un bon exemple de la volonté de concilier vitalité écologique, protection du patrimoine, et compréhension du site. Ils seront rendus accessibles au public, avec un parapet de sécurité. Un important débroussaillage sera mené, pour faire place à une végétation uniquement herbacée, qui rendra plus visible ce mur d’enceinte depuis le Champ de mars. Un étrépage permettra aussi de diversifier la flore.

Faune et flore, guides de la restauration

Une grande nouveauté tient aussi à la prise en compte de la vie végétale et animale qui se déroule en ces lieux, à toutes les étapes de la restauration.

Durant les études préparatoires, des espèces rares ont été identifiées, comme une fougère particulière : la doradille noire. On a aussi compris que certaines espèces avaient trouvé refuge dans la Citadelle… Dès le départ le projet a donc intégré la présence végétale et animale (insectes, oiseaux, chauves-souris…). Les plantes de remparts, qui poussent sur les murs ou à la base des rochers de grès, ne sont plus envisagées comme un élément envahissant et perturbant du bâti, mais comme une composante à part entière du site.

De la même manière, on a considéré les périodes de nidifications, les habitats des chauves-souris…, de telle sorte que :

  • La restauration conçoit un espace compatible avec la vie animale (galeries pour chauves-souris etc…)
  • Les travaux ne perturbent pas des périodes de reproduction par exemple (ce qui influence le calendrier, les techniques employées; les entreprises du chantier recevant consignes et informations en ce sens)

Monument historique, patrimoine naturel

Un chantier pluridisciplinaire, expérimental et innovant a donc commencé ce mois-ci à la Citadelle de Lille, à la suite d’une réflexion menée depuis plusieurs années. Dominique Plancke s’amuse d’ailleurs à dire qu’il est plus long de restaurer la Citadelle Vauban que de la construire !

Cette nouvelle logique s’inscrit dans un programme de rénovation de l’ensemble du site [qui anticipe aussi un possible classement par l’UNESCO de la Citadelle Vauban de Lille au patrimoine mondial de l’humanité]], qui s’appuie sur les démarches volontaristes de trois élus Verts dont les thématiques se croisent : Dominique Plancke pour le Patrimoine, Eric Quiquet pour les Parcs et Jardins et Cyrille Pradal pour le Zoo.

La restauration de la Contre-garde du Roy, et la logique avec laquelle elle est menée, sont finalement un symbole fort des orientations qui conduisent l’ensemble de la rénovation du site [3]. Ces orientations visent à rendre conciliable ce qui avait cessé de l’être dans la seconde moitié du 20e siècle : mémoire et innovation, espace construit et milieu naturel.

Les années qui viennent seront particulièrement intéressantes : la Citadelle se dévoilera autrement au regard, tout en offrant à ses occupants, du colonel [4] au coléoptère, un environnement naturel toujours plus propice à la biodiversité et au bien-être.

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En quelques chiffres :

  • 1667 : La construction de la Citadelle démarre, pour une durée de 3ans, réquisitionnant jusqu’à 2000 hommes.
  • Vers 1740-1750 : ouvrages ultérieurs menés par Gittard, dont la Contre-garde du Roy
  • 1830 : Dernière restauration de l’enceinte extérieure
  • 1934 : Inscription de la Citadelle aux Monuments Historiques
  • Montant des travaux de restauration de la Contre-garde du Roy : 2.100.000 € (financés à 80% du montant hors taxes par le conseil général du Nord).
  • [Historique de la Citadelle sur le site de la Mairie de Lille

—-    Le projet construit

—- Le projet paysager

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Notes[1] Les travaux de restauration suivants concerneront le mur de communication (le long du stade Grimonprez-Jooris) et le Grand Carré.[2] ces ouvrages sont le fait de Gittard, ingénieur militaire, qui a travaillé au 18e siècle sur les faiblesses de la construction Vauban. Il a ainsi équipé le saillant (« pointe » de l’étoile) d’une Contre-garde (enceinte extérieure) dont les retranchements permettaient de mieux contrôler l’arrivée de l’ennemi, le dissuadant surtout de toute approche.[3] Le site comprend, outre la Citadelle, le Bois et parc, le Zoo, le Champ de Mars et l’Esplanade, le canal de la Deûle[4] Le site, constamment militarisé, accueille depuis 2005 la Force de réaction rapide France, une structure de l’OTAN.